La capture démocratique
Il en va de même pour la représentation démocratique et pour les représentations artistique et philosophique. Il faut en finir! Si on estime qu’on ne saurait se passer de la représentation en politique, c’est au sens d’une délégation permettant d’éviter le chaos des multitudes ne sachant décider de rien par et pour elle-même. Une caste intermédiaire plus cultivée devrait être désignée afin de représenter les intérêts des multitudes. La délégation permettrait d’agir plus rapidement, en réduisant le nombre de décideurs, tout en gardant l’intégrité du message d’origine. Le réductionnisme démocratique est problématique à plus d’un titre parce que sa réification transforme la délégation en appropriation, de sorte que le pouvoir qui fonde initialement le vote n’a non seulement plus de contenu (on se décide à partir des propositions de délégués non des délégants), mais de plus il ne peut être repris par chacun, il ne cesse d’être délégué.
Mais la délégation empêche-t-elle vraiment le chaos et l’indécision ? Le choix des multitudes est-il par essence chaotique ? Et s’il ne l’est pas, pourquoi faudrait-il déléguer?
Il existe une partie du monde dans lequel des décisions sont prises collectivement tous les jours et qui forme un tout cohérent, qui a sans doute sa part de chaos, mais pas plus qu’en représentation démocratique. Il a aussi une part de centralisation, car il ne faut pas méconnaître en lui d’importants processus de contrôle. Ce monde est Internet. L’ordinateur comme outil d’informations croisées et de votes, la vitesse de communication de réseau, ne permettent-ils pas d’échapper à la représentation politique, non pour éviter toute médiation (dont celle inévitable de la tekhné et des différentes structures juridiques, médicales, etc.), mais pour qu’il n’y ait plus une caste intermédiaire qui capture le pouvoir ?