La contingence technologique
Peut-être ne s’est-on pas assez interrogé sur un phénomène que nous rencontrons quotidiennement : la panne totale ou partielle de l’ordinateur. Alors même que ce dernier devrait représenter l’incarnation du monde du calcul et du contrôle, comme le veut la racine grecque de la cybernétique, la réalité phénoménologique est toute différente. Si nous parvenons à utiliser l’ordinateur, il ne cesse pourtant de nous surprendre. Que ce soit dans un usage classique ou dans la programmation informatique, l’utilisation de cette machine est semée d’embûches et d’inattendu. Est-ce là simplement le fait du hasard, une détermination instrumentale, le temps venant progressivement résoudre ce problème ?
J’aimerais prendre au sérieux cette finitude fonctionnelle de la machine et penser qu’elle est révélatrice de sa structure même. Ou pour le dire autrement que l’accident détermine l’essence. Ce que nous vivons avec l’ordinateur est la nécessité de la contingence. Ce n’est pas seulement que l’ordinateur ne marche pas, la systématisation de la panne deviendrait alors une règle, c’est qu’il marche et qui ne marche pas selon une méta-règle qui fait défaut. Cette absence de règle qui pourrait déterminer la palpitation entre le fonctionnement et le dysfonctionnement constitue selon nous la définition d’une contingence dans le sens plein du terme. Cette contingence est nécessaire, l’accident aussi, parce que le retournement du monde sur lui-même effectué par la machine informatique n’a pas constitué une épuration de la structure ambivalente des phénomènes. Fonder une ontologie sur la nécessité de la contingence reste une tâche à mener.