Beatboxing et popping locking

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Il y a dans certaines pratiques populaires vocales et chorégraphiques comme le beatboxing et le popping locking un devenir-machine des corps. Car ce qui frappe devant de telles performances c’est non seulement la capacité physique à produire des sons et des mouvements proches d’une machine, et à renverser dans le cas du beatboxing la hiérarchie du modèle, puisque c’est l’instrument que la bouche mime non l’inverse, mais c’est encore une image très forte du flux.

Les corps deviennent en effet continus, ils ne s’arrêtent jamais et cette continuité est fonction de pauses et d’arrêts. Chacun ménage des différences d’intensité, pour le beatboxing c’est le fait de mimer le suspend du mix, c’est-à-dire le passage d’un morceau à un autre, pour le popping c’est le passage entre deux mouvements continus du corps comme un morphing corporel. La continuité excessive (le corps fait trop) est fonction de l’arrêt qui appauvrit(le corps se fige) et du différentiel qui produit une attente esthétique (ça va reprendre). La relecture du rôle de l’attente et de la répétition sur l’intelligence du corps chez Bergson serait à même de transformer ces curiosités contemporaines en symptôme de modes de fonctionnement corporel courants et le plus souvent inaperçus. « La répétition a pour véritable effet de décomposerd’abord, de recomposer ensuite, et de parler ainsi à l’intelligence du corps. » (Henri Bergson, Matière et mémoire, p.122.)

On pourraît certes s’arrêter au caractère anecdotique et spectaculaire de ces pratiques, mais il faut savoir y regarder des performances dans lesquelles il devient difficile de séparer les parties du tout et de procéder à une quelconque décomposition, dans le beatboxing les différentes couches d’instruments mimés, et qui articulent de manière complexe le corps et la technique à partir d’une inversion de l’isomorphie entre les deux. C’est la machine qui libère le corps, c’est cette contrainte mimétique qui lui donne des possibilités inconnues jusqu’alors et qui surprennent le public. C’est la répétition machinique qui permet au corps d’être ce qu’il n’est pas. La choséification n’est plus une aliénation subie mais le désir de devenir-autre.

Que ces pratiques soient nées dans le tournant des années 70 et 80 aux USA dans un monde postindustriel montrent sociologiquement comment les techniques machinent avec les corps et ont permis à une génération d’accéder à la production artistique en inversant, là encore, consommation et création par le détournement de la platine non plus seulement comme moyen d’écoute mais aussi moyen de diffusion active et individualisée. Ce renversement anticipait ce que l’ordinateur produisit quelques années plus tard à plus grande échelle en rendant compatible la réception et la diffusion, la consommation et la production.

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