Be like you

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On like moins sur son ordinateur que sur son téléphone portable, car celui-ci est un outil de consultation qu’on aime à utiliser dans des espaces intermédiaires et de passages, en attente et en transport, en transit et en partance. Le téléphone est une interface du temps qui tarde à passer quand le corps n’est plus mobilisé par une action, mais est agi par un contexte. En likant, on tente sans doute de donner un signe de vie et a minima de réaliser une action consistant à intervenir un peu sur les informations. Comme on peine souvent à écrire sur son téléphone, on effleure son écran pour agir l’icône, et sans doute espère-t-on un peu de réciprocité à l’avenir. Si je like beaucoup de posts, ils finiront par me reconnaître comme un des leurs.

Le téléphone lui-même est une technique de la réciprocité spectrale (A. Rowell) : parler à l’absent. Cette réciprocité n’est pas identique à celle de l’ordinateur, car elle est fugace, elle s’inscrit rarement sur un support à moins d’être l’objet d’une écoute espionne ou artiste (on se souvient de Warhol enregistrant ses conversations). Réintroduire du non-inscrit, comme le fait Snapchat, c’est revenir à l’échange des fantômes.

On like donc le spectre de gens à peine connus dans des espaces communs de passage, autre lieu d’anonymat et de correspondance, lumière blafarde du métro.

Like n’est pas « aimer » ou « apprécier », mais doit s’entendre « comme » : entre le « be like you » et le « be like me ». C’est la réciprocité de la copule et de la seconde personne du singulier. « Be like you » ni plus ni moins que l’autre selon une altérité blanche, platitude de soi et de l’autre, indifférencié d’un fonctionnement démocratique sans promesse ni attente.