L’époque des ambiguïtés

Logiciel libre, économie contributive, revenu universel, etc. autant de mots-clés qui circulent dans les sphères politiques de gauche pour tenter de répondre au changement de modèle en cours. Or ces formules sont réversibles. Si on les appliquait, rien ne garantirait que le néo-libéralisme ne les utilise pas pour accroître son emprise : diminuer le coût du travail, rendre dépendants les individus, augmenter le caractère grégaire du vote représentatif à toutes les sphères, etc.

L’ambiguïté est la caractéristique politique de notre temps, le remède au poison peut lui-même devenir un poison, sans pour autant que les critères permettant de distinguer l’un et l’autre soient évidents.

Cette structure ambivalente est le pharmakon qui peut entraîner une conjuration du discours : on s’enthousiasme de ce qu’on souhaite éloigner, on éloigne ce qu’on veut faire apparaître. On met en scène la fin, pour donner une autorité à un discours qui serait seul à même de nous sortir de la crise et de l’effondrement.

Je m’interroge pour savoir si cette ambiguïté est indépassable ou si elle est le signe qu’on ne s’attaque pas à la bonne cible. En effet, tant qu’on ne met pas en cause la réalité de la possession économique (le capital) le logiciel libre, l’économie contributive et le revenu universel pourront devenir les armes du capitalisme. Il faut donc revenir aux questions de l’autogestion, de l’appropriation des moyens de production, de la manière dont on décide à petite et grande échelle, etc. C’est pourquoi le réformisme de la social-démocratie est devenu un leurre.