Topologie esthétique de l’IA : performance, ironie, critique, alien / Aesthetic Topology of AI: Performance, Irony, Critique, Alien
L’irruption généralisée de l’intelligence artificielle générative (IAG) dans le champ de la production culturelle, phénomène daté socialement de 2021 avec l’apparition de la plate-forme Dall-E, soit à peine trois années nous séparant de ce moment inaugural, s’est opérée selon une modalité particulière : celle du flux, de la déferlante, du déversement qui submerge sans préavis. Cette temporalité accélérée pose d’emblée une question vertigineuse : comment une technique si récente peut-elle déjà s’être naturalisée au point de sembler avoir toujours-déjà appartenu à notre horizon perceptif ? La réponse exige que l’on déplace le regard : l’IAG ne constitue nullement une rupture radicale, mais bien la continuation différenciée d’un processus multiséculaire, celui de l’externalisation technique des facultés anthropologiques, processus entamé avec la révolution industrielle et qui trouve dans l’automatisation algorithmique de l’imagination sa forme peut-être la plus aboutie. Le monde de l’art, les industries culturelles, l’ensemble de l’écosystème médiatique (visuel, sonore, sculptural, vidéographique) ont été transformés en profondeur, et cette transformation s’est accomplie dans une étrange inconscience collective. Certes, les alertes critiques se sont multipliées, dangers sociaux, bouleversements économiques, précarisation du travail créatif, mais l’adoption massive s’est néanmoins effectuée, témoignant d’un automatisme d’intégration caractéristique de notre rapport contemporain à l’innovation technique.
Que signifie cette absence d’étonnement face à des résultats qui, il y a dix ans à peine, auraient relevé de l’inimaginable ? Il nous faut ici convoquer la notion d’habituation perceptive : nous nous sommes acclimatés aux exposants de l’IAG précisément parce qu’elle s’inscrit dans un plan général d’externalisation qui structure depuis longtemps notre rapport au monde. Dès lors, dresser une cartographie, provisoire, parcellaire, nécessairement simplificatrice, des pratiques esthétiques liées à l’IAG ne relève pas d’un simple exercice de taxinomie culturelle ; il s’agit de saisir l’état présent de notre sensibilité technicisée, de comprendre comment se configurent aujourd’hui les régimes de vérité, les modes du réalisme contemporain, les agencements politico-esthétiques qui définissent notre époque. Cette entreprise classificatoire rejoint d’ailleurs des tentatives récentes dans le champ de la recherche académique : Salimbeni et ses collaborateurs ont proposé en 2024 une classification en cinq tropes distincts de l’art IA, tandis qu’une taxonomie méthodologique publiée dans ACM Computing Surveys distingue les méthodes conventionnelles basées sur les traits des méthodes basées sur l’apprentissage, ces dernières se divisant entre transformation de style et reconstruction. Ces efforts de systématisation témoignent d’une nécessité épistémologique : rendre pensable un phénomène qui, par sa rapidité de déploiement, menace constamment de nous échapper.
La performativité de l’évanescence
La première catégorie que nous devons identifier est celle de la performance généralisée, pratique dominante, commune, presque triviale. Elle se manifeste principalement sur les réseaux sociaux sous forme de publications exhibant les dernières avancées techniques : images fixes, séquences animées produites par Sora ou d’autres plateformes, contenus qui circulent selon la logique épidémique du mème (unité minimale de transmission culturelle). Ces productions se propagent à l’échelle mondiale avec une vélocité stupéfiante, puis s’évaporent tout aussi rapidement, remplacées par la vague mimétique suivante. Nous avons ainsi vu se multiplier, temporalité caractéristique : quelques mois, quelques semaines, des vidéos générées automatiquement, des images de personnalités publiques plongées dans des situations surréalistes, imagerie qui a alimenté médias de masse et articles de presse. L’auteur du manga Cyberpunk: Peach John, créé en six semaines avec Midjourney et d’autres générateurs, incarne parfaitement cette logique : production accélérée, assemblage d’images mécaniquement produites, démocratisation supposée de la création par délégation technique.
Le propre de cette production ? Elle est majoritairement amateur, terme qu’il faut entendre au double sens d’amateurisme technique et d’amour pour l’expérimentation, et consiste en une idée-support qui valorise, publicise, popularise l’innovation technique elle-même. Cette production n’est jamais accidentelle dans son origine : elle émane toujours de plateformes commerciales d’IA générative. La temporalité qui la gouverne se calque sur celle de l’annonciation technologique, des effets d’annonce commerciaux, pour atteindre le corps social via la propagation réticulaire des réseaux sociaux.
Esthétiquement, ces images demeurent le plus souvent dépourvues de personnalité singulière, si ce n’est celle, standardisée, héritée de l’esthétique par défaut de la plateforme commerciale, cette esthétique correspondant au goût commun d’un moment déterminé. Cette observation rejoint les analyses récentes sur la classification automatisée de l’art : les algorithmes de classification révèlent précisément cette standardisation stylistique, cette convergence vers des patterns reconnaissables qui facilitent la catégorisation mais appauvrissent la singularité. Paradoxe essentiel : l’importance de leur impact est directement fonction de leur capacité à se dissiper, à s’évaporer de manière gazeuse pour laisser place à la représentation suivante. Observer le flux ininterrompu de TikTok révèle une fascination troublante : quelques secondes de vidéo générant des dizaines de millions de vues, fascination pour ce public temporaire qui, d’un mouvement d’index, passera à une autre vidéo, puis à la suivante, et à la suivante encore, dans une répétition infinie. Ces images possèdent néanmoins un intérêt socio-documentaire indéniable : elles constituent le symptôme d’un état esthétique de la société à un moment déterminé. Elles relèvent de l’ancienne logique de la mémétique, science des réplicateurs culturels, et poursuivent ce qu’avait ouvert le Web 2.0 : la délégation massive de la production et de l’hébergement de médias au-delà des logiques techniques traditionnelles.
Des artistes comme Obvious, avec leur célèbre Portrait d’Edmond de Belamy vendu aux enchères chez Christie’s, ou Refik Anadol, dont les installations monumentales de data visualisation transforment d’immenses datasets en expériences visuelles immersives, incarnent cette première orientation. Leurs travaux, bien que techniquement sophistiqués et institutionnellement reconnus, documentent essentiellement la technologie elle-même et la factualité de notre époque : ils témoignent de ce que l’IA peut faire, de son état de développement à un moment donné, capturant ainsi l’instantané d’une évolution technologique en cours.
L’ironie kitsch et déplacement institutionnel
Deuxième configuration esthétique : l’ironie généralisée. Une évidence s’impose à l’observateur de la production moyenne des images générées : leur caractère kitsch, leur dimension du déjà-vu, comme si elles poursuivaient, intensifiaient et industrialisaient de manière caricaturale une logique héritée du Pop Art jusqu’au postmodernisme. Cette dimension régurgitative et citationnelle n’est pas intrinsèquement liée à l’architecture technique des algorithmes génératifs, mais aux plateformes commerciales qui les capturent en fixant par avance un alignement permettant de répondre à la plus grande part des demandes utilisateurs. Les recherches sur l’extraction de caractéristiques géométriques dans les images artistiques montrent d’ailleurs comment les modèles d’IA reproduisent et amplifient certains patterns compositionnels préexistants, créant ainsi une forme d’hyperréalisme citationnel qui caractérise cette esthétique ironique.
Cette esthétique trouve dans l’ironie sa modalité centrale : les artistes recourant à cette esthétique utilisent les IA génératives pour produire des images manifestement artificielles, ouvertement fausses, citations grotesques de l’histoire de l’art et de la culture visuelle contemporaine. Ils assument pleinement le caractère simulacral de leurs productions, jouant sur la distance critique que l’ironie est censée instaurer. Le problème toutefois : cette ironie généralisée, cette posture du second degré permanent, finit par neutraliser toute charge critique réelle, transformant la subversion en convention, la transgression en norme. L’ironie devient alors une modalité d’acceptation déguisée en refus, une manière de perpétuer l’ordre existant tout en prétendant le moquer.
Dans cette catégorie, des artistes comme Jake Elwes, avec son projet The Zizi Project qui réentraîne des systèmes de reconnaissance faciale avec des images de drag queens pour « queériser » l’espace latent, Niceaunties qui explore les glitchs et les anomalies des réseaux de neurones, développent une pratique qui documente les biais, les limites et les angles morts de la technologie. Leurs travaux révèlent la factualité politique et sociale inscrite dans les algorithmes : ils montrent ce que l’IA fait réellement, comment elle reproduit et amplifie les structures de pouvoir existantes, exposant ainsi la réalité des systèmes techniques que la première catégorie se contente souvent de célébrer.
Ces productions trouvent aisément leur place dans le circuit institutionnel de l’art contemporain : galeries, musées, biennales. Cette intégration n’est nullement accidentelle. L’ironie constitue depuis les années 1980 le mode dominant de l’art institutionnel, permettant de maintenir une apparence de distance critique tout en s’accommodant parfaitement des logiques marchandes et spectaculaires. L’art ironique IA prolonge cette tradition, offrant aux institutions culturelles une manière de s’emparer de la nouveauté technologique sans remettre en question leurs fondements économiques et symboliques.
La critique documentaire
Troisième modalité : la critique non-ironique, qui s’appuie sur les sciences humaines et sociales pour dénoncer l’impact écologique, humain, politique des IAG. Ces œuvres prennent souvent la forme de vidéos documentaires mettant en scène la face cachée des IA génératives : l’infrastructure rendue invisible dans l’usage quotidien. Kate Crawford et Vladan Joler, avec leur diagramme monumental Anatomy of an AI System (collection permanente du MoMA), cartographient exhaustivement les infrastructures matérielles, énergétiques et humaines de l’IA, des mines de terres rares aux travailleurs du clic exploités. Leur projet Calculating Empires poursuit cette logique de visualisation totalisante, tentant de mapper l’espace et le temps du continent complexe de l’IA. L’artiste Trevor Paglen, collaborateur fréquent de Crawford, expose dans Faces of ImageNet les biais racistes, sexistes et misogynes inscrits dans les bases de données d’entraînement, notamment ImageNet, qui associe systématiquement certaines catégories visuelles à des insultes ou des stéréotypes problématiques. Leur exposition commune Training Humans (Fondazione Prada, Milan, 2019) constitua la première grande exposition d’images alimentant l’IA, révélant les datasets qui façonnent notre perception algorithmique du monde.
Des artistes comme Agnieszka Kurant, dont le travail interroge les formes de travail invisible et l’exploitation des données, Ho Rui An, qui explore les infrastructures du capitalisme numérique et leurs implications géopolitiques, et Holly Herndon & Mat Dryhurst, avec leurs projets Holly+ et Public Diffusion qui proposent des modèles alternatifs de partage et d’utilisation éthique des données d’entraînement, ouvrent une voie politique et critique particulièrement fertile. Ces pratiques documentent également la factualité de notre époque, mais en mettant en lumière les mécanismes d’extraction de valeur, les questions de propriété intellectuelle et les nouvelles formes de communs numériques. Elles cherchent à construire des alternatives concrètes aux modèles dominants d’exploitation des données artistiques et créatives.
Ces démarches font écho aux travaux académiques récents sur l’analyse de l’art par l’IA : les recherches en classification automatisée révèlent les biais inscrits dans les datasets, les hiérarchies esthétiques implicites des algorithmes, les exclusions systématiques de certaines traditions visuelles. Cette double approche, artistique et académique, converge vers une même révélation : l’IA générative ne produit pas ex nihilo, mais réplique et amplifie les structures de pouvoir inscrites dans ses données d’entraînement. La critique consiste ici, poursuivant le chemin ouvert par l’École de Francfort, à faire le procès de la raison instrumentale et à espérer, par ce procès, faire émerger une autre raison, consciente de ses limites, de ses déficiences. Bref : créer un procès de la raison pour réformer l’entendement. L’art critique utilise souvent les technologies d’IA génératives pour représenter leur propre infrastructure secrète : travailleurs du clic exploités, usage énergétique et extractivisme minier, relations opaques entre entreprises technologiques et pouvoir politique. Hito Steyerl, autre figure majeure de cette esthétique critique exposée récemment au Jeu de Paume dans l’exposition Le Monde selon l’IA (2024-2025), produit des vidéos documentaires disséquant les mécanismes de domination inscrits dans les systèmes algorithmiques. Approche pastorale où l’artiste tente de guider la communauté humaine vers une plus grande vérité en révélant ce qui est caché.
L’AlIen ou la contrefactualité du possible
La quatrième et dernière catégorie esthétique, celle qui, à mes yeux, échappe le plus aux logiques de domination capitaliste, se fonde sur les capacités contrefactuelles des IA génératives. Ces médias produisent des possibles qui font émerger une réalité légèrement décalée par rapport à celle décrite par les médias indiciels (photographiques, cinématographiques). Apparaissent alors des formes à la limite du reconnaissable, qui pourraient exister sur une autre planète ou dans un passé ou futur lointain de notre Terre. L’idée centrale : l’intelligence artificielle constitue une manière de nous rendre étrangers à nous-mêmes, car elle opère un équilibre, par la vectorisation statistique dans l’espace latent (concept technique désignant l’espace mathématique vectorisé où sont représentées les données), entre le reconnaissable et la nouveauté, c’est-à-dire le bruit qui permet de produire une image par la technique de la diffusion.
Cette approche trouve un écho dans les taxonomies académiques récentes qui distinguent, au sein des méthodes d’apprentissage, la reconstruction de style de la simple transformation de style. Alors que la transformation se contente d’appliquer des attributs stylistiques préexistants à de nouveaux contenus, la reconstruction, telle que je tente de la pratiquer dans mes explorations de l’espace latent, vise à générer des configurations visuelles qui échappent aux références culturelles établies. Pierre Huyghe, figure majeure de l’art contemporain, a développé depuis plusieurs années une pratique qui interroge précisément cette altérité technique. Son projet Uumwelt (Serpentine Gallery, 2018), réalisé en collaboration avec le neuroscientifique Yukiyasu Kamitani de l’Université de Kyoto, présente des images générées par IA à partir de l’activité cérébrale de volontaires observant ou imaginant des scènes spécifiques : réseau neuronal reconstituant rétrospectivement, depuis des données d’IRM, les pensées humaines sous forme d’images vacillantes, à demi formées, spectrales. Ces créations manifestent une étrangeté radicale : elles ne sont pas absolument ramenées à l’être humain, comme si celui-ci avait produit quelque chose qui l’excède, qui dépasse son pouvoir, qui déborde la sphère anthropologique.
Des artistes comme Fabien Giraud et Raphael Siboni, dont les installations créent des temporalités alternatives et des récits spéculatifs qui court-circuitent la linéarité historique, incarnent pleinement cette orientation. Ici réside la différence fondamentale avec les trois premières catégories : là où celles-ci documentent la technologie et la factualité d’une époque — que ce soit en reproduisant ses motifs dominants (catégorie 1), en révélant ses biais et limites (catégorie 2), ou en proposant des alternatives éthiques et critiques (catégorie 3) —, cette quatrième orientation altère la réalité en la contrefactualisant. Elle ne témoigne pas de ce qui est ou de ce qui devrait être ; elle génère ce qui pourrait être, créant des archives de futurs qui n’ont jamais eu lieu, des mémoires de passés alternatifs, des géographies de mondes parallèles.
Il y a là une étrangeté radicale : à la différence des trois premières esthétiques, le résultat de la production n’est pas absolument ramené à l’être humain, comme si celui-ci avait produit quelque chose qui l’excède, qui dépasse son pouvoir, qui déborde la sphère anthropologique. Cette esthétique manifeste un nihilisme positivement productif : non pas négation de la réalité, mais affirmation de sa possibilité, de sa contingence fondamentale. Elle laisse émerger d’autres possibles sans céder au vertige ironique ni au désir réformiste de la critique morale. Les recherches sur l’extraction de caractéristiques géométriques dans l’art généré par IA montrent d’ailleurs comment l’incorporation de données géométriques dans les modèles permet précisément de distinguer le style du contenu, créant ainsi un espace de liberté où peuvent émerger des formes véritablement inédites, ni purement reconnaissables, ni totalement étrangères, mais situées dans cet entre-deux vertigineux qui caractérise l’expérience de l’altérité radicale.
Quatre stratégies politico-esthétiques
Ces quatre catégories ne se limitent nullement à la discipline artistique ; elles constituent le symptôme de notre esthétique contemporaine, qui produit un réalisme historique spécifique. Chacune relève d’une stratégie politique, d’une manière d’agir et de se positionner dans la société, bien au-delà de la sphère culturelle. Plus encore : chacune détermine ce qui est tenu pour réel et ce qui ne l’est pas, configurant ainsi une ontologie, même si celle-ci, dans la quatrième esthétique, se trouve hantée par son autre, son altérité, sa lacune constitutive.
Cette cartographie provisoire rejoint, tout en la prolongeant, les efforts de systématisation entrepris dans le champ académique : si les taxonomies techniques distinguent les méthodes selon leurs architectures algorithmiques (GANs, modèles de diffusion, transformers), notre classification s’attache plutôt aux effets politico-esthétiques produits, aux régimes de vérité qu’elles instaurent, aux subjectivités qu’elles configurent. Elle ne prétend nullement à l’exhaustivité, d’autres modalités émergeront nécessairement, d’autres hybridations se produiront, mais elle offre un cadre minimal pour penser notre présent technologique et les possibilités d’émancipation qu’il recèle encore, malgré tout, contre toute attente.
The widespread irruption of generative artificial intelligence (GAI) into the field of cultural production—a phenomenon socially dated to 2021 with the appearance of the Dall-E platform, meaning barely three years separate us from that inaugural moment—occurred according to a particular modality: that of flux, of the tidal wave, of the outpouring that overwhelms without warning. This accelerated temporality immediately poses a dizzying question: how can such a recent technique have already become naturalized to the point of seeming to have always-already belonged to our perceptual horizon? The answer requires that we shift our perspective: GAI in no way constitutes a radical rupture, but rather the differentiated continuation of a centuries-old process, that of the technical externalization of anthropological faculties, a process begun with the industrial revolution and which finds in the algorithmic automation of imagination perhaps its most accomplished form. The art world, cultural industries, the entire media ecosystem (visual, sonic, sculptural, videographic) have been profoundly transformed, and this transformation has been accomplished in a strange collective unconsciousness. Certainly, critical warnings have multiplied—social dangers, economic upheavals, precariousness of creative work—but massive adoption has nevertheless occurred, testifying to an automatism of integration characteristic of our contemporary relationship with technical innovation.
What does this absence of astonishment mean in the face of results that, barely ten years ago, would have been unimaginable? Here we must invoke the notion of perceptual habituation: we have become acclimated to the outputs of GAI precisely because it fits into a general plan of externalization that has long structured our relationship to the world. Consequently, creating a cartography—provisional, partial, necessarily simplifying—of aesthetic practices related to GAI is not merely an exercise in cultural taxonomy; it is about grasping the present state of our technicized sensibility, understanding how regimes of truth, modes of contemporary realism, and politico-aesthetic arrangements that define our era are currently configured. This classificatory enterprise moreover joins recent attempts in the field of academic research: Salimbeni and collaborators proposed in 2024 a classification into five distinct tropes of AI art, while a methodological taxonomy published in ACM Computing Surveys distinguishes conventional feature-based methods from learning-based methods, the latter being divided between style transformation and reconstruction. These systematization efforts testify to an epistemological necessity: making thinkable a phenomenon that, through its speed of deployment, constantly threatens to escape us.
The Performativity of Evanescence
The first category we must identify is that of generalized performance, a dominant, common, almost trivial practice. It manifests primarily on social networks in the form of publications exhibiting the latest technical advances: still images, animated sequences produced by Sora or other platforms, content that circulates according to the epidemic logic of the meme (minimal unit of cultural transmission). These productions propagate on a global scale with stupefying velocity, then evaporate just as quickly, replaced by the next memetic wave. We have thus seen multiply, with characteristic temporality—a few months, a few weeks—automatically generated videos, images of public figures immersed in surrealistic situations, imagery that has fueled mass media and press articles. The author of the manga Cyberpunk: Peach John, created in six weeks with Midjourney and other generators, perfectly embodies this logic: accelerated production, assembly of mechanically produced images, supposed democratization of creation through technical delegation.
The hallmark of this production? It is predominantly amateur—a term that must be understood in the double sense of technical amateurism and love for experimentation—and consists of a support-idea that valorizes, publicizes, and popularizes the technical innovation itself. This production is never accidental in its origin: it always emanates from commercial generative AI platforms. The temporality that governs it mirrors that of technological annunciation, of commercial announcements, to reach the social body via the reticular propagation of social networks.
Aesthetically, these images most often remain devoid of singular personality, except for the standardized personality inherited from the default aesthetic of the commercial platform, this aesthetic corresponding to the common taste of a determined moment. This observation aligns with recent analyses on automated art classification: classification algorithms precisely reveal this stylistic standardization, this convergence toward recognizable patterns that facilitate categorization but impoverish singularity. Essential paradox: the importance of their impact is directly a function of their capacity to dissipate, to evaporate in a gaseous manner to make way for the next representation. Observing the uninterrupted flow of TikTok reveals a troubling fascination: a few seconds of video generating tens of millions of views, fascination for this temporary public that, with an index finger movement, will pass to another video, then to the next, and to the next again, in infinite repetition. These images nevertheless possess undeniable socio-documentary interest: they constitute the symptom of an aesthetic state of society at a determined moment. They fall under the old logic of memetics, the science of cultural replicators, and continue what Web 2.0 had opened: the massive delegation of media production and hosting beyond traditional technical logics.
Artists like Obvious, with their famous Portrait of Edmond de Belamy sold at Christie’s auction, or Refik Anadol, whose monumental data visualization installations transform immense datasets into immersive visual experiences, embody this first orientation. Their works, although technically sophisticated and institutionally recognized, essentially document the technology itself and the factuality of our era: they testify to what AI can do, to its state of development at a given moment, thus capturing the snapshot of an ongoing technological evolution.
Kitsch Irony and Institutional Displacement
Second aesthetic configuration: generalized irony. An obviousness imposes itself on the observer of the average production of generated images: their kitsch character, their dimension of déjà-vu, as if they continued, intensified, and industrialized in caricatural fashion a logic inherited from Pop Art through postmodernism. This regurgitative and citational dimension is not intrinsically linked to the technical architecture of generative algorithms, but to the commercial platforms that capture them by fixing in advance an alignment allowing them to respond to the greatest share of user requests. Research on the extraction of geometric features in artistic images moreover shows how AI models reproduce and amplify certain preexisting compositional patterns, thus creating a form of citational hyperrealism that characterizes this ironic aesthetic.
This aesthetic finds in irony its central modality: artists using this aesthetic employ generative AIs to produce manifestly artificial images, openly false, grotesque citations of art history and contemporary visual culture. They fully assume the simulacral character of their productions, playing on the critical distance that irony is supposed to establish. The problem, however: this generalized irony, this posture of permanent second degree, ends up neutralizing any real critical charge, transforming subversion into convention, transgression into norm. Irony then becomes a modality of acceptance disguised as refusal, a way of perpetuating the existing order while pretending to mock it.
Examples abound: AI-generated images of the Pope in a white puffer jacket that went viral, deepfakes of political figures in improbable situations, or works by artists like Mario Klingemann, whose creations play deliberately on the grotesque and the absurd. These productions circulate primarily as entertainment, as visual jokes that momentarily amuse before being forgotten. They participate in what could be called an aesthetics of distraction, where the critical potential of irony is absorbed by the very system it claims to denounce.
This category also includes institutional appropriation: galleries, museums, art fairs that integrate AI-generated works not for their intrinsic qualities but to demonstrate their contemporaneity, their alignment with the technological zeitgeist. The displacement is significant: what was once marginal or experimental becomes institutional decoration, losing in the process any subversive capacity it might have possessed. The market embraces these works because they pose no real threat—they are sufficiently novel to appear avant-garde while remaining sufficiently conventional to be easily integrated into existing circuits of value and legitimation.
Critical Aesthetics and Infrastructural Revelation
The third category mobilizes generative AI in a critical and deconstructive mode. Here, artists use these technologies not to celebrate them but to reveal their ideological foundations, their embedded biases, their political and economic implications. This approach inherits the critical tradition of conceptual art and institutional critique, applying it to the new infrastructures of algorithmic production. Works in this category often take the form of investigations, documentaries, or installations that make visible what the seamless interfaces of commercial platforms seek to hide.
These approaches echo recent academic work on AI art analysis: research in automated classification reveals biases inscribed in datasets, implicit aesthetic hierarchies of algorithms, systematic exclusions of certain visual traditions. This dual approach, artistic and academic, converges toward the same revelation: generative AI does not produce ex nihilo but replicates and amplifies power structures inscribed in its training data. The critique here, continuing the path opened by the Frankfurt School, consists in prosecuting instrumental reason and hoping, through this prosecution, to bring forth another reason, conscious of its limits, of its deficiencies. In short: creating a trial of reason to reform understanding. Critical art often uses generative AI technologies to represent their own secret infrastructure: exploited click workers, energy usage and mining extractivism, opaque relations between technology companies and political power. Hito Steyerl, another major figure of this critical aesthetic recently exhibited at the Jeu de Paume in the exhibition “The World According to AI” (2024-2025), produces documentary videos dissecting the mechanisms of domination inscribed in algorithmic systems. A pastoral approach where the artist attempts to guide the human community toward greater truth by revealing what is hidden.
Artists like Trevor Paglen, whose work exposes the hidden infrastructures of surveillance and military technologies, or Kate Crawford, whose collaborations reveal the material and social costs of AI systems, exemplify this orientation. Their works function as counter-archives, documenting what official narratives omit: the labor conditions in data annotation centers, the environmental impact of training large models, the colonial dynamics of data extraction, the reproduction of racial and gender biases in facial recognition systems. This aesthetic is fundamentally pedagogical—it seeks to educate, to raise consciousness, to produce informed subjects capable of resisting technological determinism.
The limitation of this approach, however, lies in its ultimately reformist character. By revealing injustices and calling for their correction, it implicitly maintains faith in the possibility of a “good” AI, an ethically aligned technology, a capitalism with a human face. It denounces specific abuses without questioning the fundamental logic that produces them. The critique remains internal to the system it challenges, proposing adjustments rather than alternatives, regulations rather than ruptures.
The AlIen or the Counterfactuality of the Possible
The fourth and final aesthetic category, the one that, in my view, most escapes the logics of capitalist domination, is founded on the counterfactual capacities of generative AIs. These media produce possibles that bring forth a reality slightly offset from that described by indexical media (photographic, cinematographic). Forms then appear at the limit of the recognizable, which could exist on another planet or in a distant past or future of our Earth. The central idea: artificial intelligence constitutes a way of making ourselves strange to ourselves, because it operates a balance, through statistical vectorization in latent space (a technical concept designating the vectorized mathematical space where data are represented), between the recognizable and novelty, that is to say the noise that allows an image to be produced through the diffusion technique.
This approach finds an echo in recent academic taxonomies that distinguish, within learning methods, style reconstruction from simple style transformation. While transformation merely applies preexisting stylistic attributes to new contents, reconstruction, as I attempt to practice it in my explorations of latent space, aims to generate visual configurations that escape established cultural references. Pierre Huyghe, a major figure in contemporary art, has developed over several years a practice that interrogates precisely this technical alterity. His project Uumwelt (Serpentine Gallery, 2018), realized in collaboration with neuroscientist Yukiyasu Kamitani of Kyoto University, presents AI-generated images from the brain activity of volunteers observing or imagining specific scenes: a neural network retrospectively reconstituting, from MRI data, human thoughts in the form of wavering, half-formed, spectral images. These creations manifest a radical strangeness: they are not absolutely brought back to the human being, as if the human had produced something that exceeds them, that surpasses their power, that overflows the anthropological sphere.
Artists like Fabien Giraud and Raphael Siboni, whose installations create alternative temporalities and speculative narratives that short-circuit historical linearity, fully embody this orientation. Here lies the fundamental difference from the first three categories: whereas those document technology and the factuality of an era—whether by reproducing its dominant motifs (category 1), revealing its biases and limits (category 2), or proposing ethical and critical alternatives (category 3)—this fourth orientation alters reality by counterfactualizing it. It does not testify to what is or what should be; it generates what could be, creating archives of futures that never took place, memories of alternative pasts, geographies of parallel worlds.
There is here a radical strangeness: unlike the first three aesthetics, the result of production is not absolutely brought back to the human being, as if the human had produced something that exceeds them, that surpasses their power, that overflows the anthropological sphere. This aesthetic manifests a positively productive nihilism: not negation of reality, but affirmation of its possibility, of its fundamental contingency. It lets other possibles emerge without yielding to ironic vertigo or to the reformist desire of moral critique. Research on the extraction of geometric features in AI-generated art moreover shows how the incorporation of geometric data into models precisely allows distinguishing style from content, thus creating a space of freedom where truly unprecedented forms can emerge, neither purely recognizable nor totally foreign, but situated in this vertiginous in-between that characterizes the experience of radical alterity.
Four Politico-Aesthetic Strategies
These four categories are by no means limited to the artistic discipline; they constitute the symptom of our contemporary aesthetic, which produces a specific historical realism. Each pertains to a political strategy, a way of acting and positioning oneself in society, far beyond the cultural sphere. Even more: each determines what is held to be real and what is not, thus configuring an ontology, even if this ontology, in the fourth aesthetic, finds itself haunted by its other, its alterity, its constitutive gap.
This provisional cartography joins, while extending it, the systematization efforts undertaken in the academic field: if technical taxonomies distinguish methods according to their algorithmic architectures (GANs, diffusion models, transformers), our classification attends rather to the politico-aesthetic effects produced, to the regimes of truth they establish, to the subjectivities they configure. It makes no claim to exhaustiveness—other modalities will necessarily emerge, other hybridizations will occur—but it offers a minimal framework for thinking our technological present and the possibilities of emancipation it still contains, despite everything, against all expectations.