Silhouette

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Ce n’était pas une personne, cela ne pouvait pas l’être, plutôt une silhouette ou une ombre, celles qu’on perçoit le matin en entrouvrant les yeux et en les refermant aussitôt, lorsqu’on se replonge dans un sommeil qui a pris fin et qu’on ressent sa conscience endormie à côté de soi. Il était alors empli de souvenirs qui n’avaient pas eu lieu, ils étaient seulement possibles et allaient le rester pendant un temps infini. Ils  rendaient possibles le monde et les rencontres, les regards croisés, ces mains tendus et ces peaux caressées. Ils étaient le plus singulier de l’anonyme, une matière confuse qui donnait une tonalité affective au temps. Il l’avait souvent croisé dans cette mémoire de l’avenir. Elle était sans nom. Jamais il n’en avait imaginé la forme, elle n’aurait été que ressemblance, ce qu’il refusait. Depuis l’enfance, cette possibilité le hantait, mélange de sentiments incandescents et d’humanité, ça le touchait à vif, parfois il pleurait. Il voulait se tenir à la limite du fantasme pour que, maintenant il le comprenait, rien n’ait eu lieu que le lieu. Il refusait de projeter ou de transformer tout cela en image, il fallait plutôt un pur acte d’imagination se tenir au plus près de la contingence. Ceci pourrait avoir lieu ou pas, et ce qui a lieu, fut-ce le possible, n’aurait jamais lieu qu’une fois en s’effondrant sur lui-même. Il se tenait à proximité de cette chaleur, sa silhouette étendue dans les draps. Il la regardait dormir, elle ignorait encore sa présence. Elle était toute proche sans l’imaginer.