Postdigital : époque, ontologie et stylistique – Radial
Art et Post-Internet
Comme tous les post —et comme la plupart des « ism » avant eux — le préfixe « post » accolé à Internet est inadéquat, mais il n’en demeure pas moins qu’il renvoie à une situation culturelle actuelle. On pourrait dire que post-Internet désigne le moment où Internet fait partie de notre existence au point qu’il ne paraît plus être quelque chose d’exceptionnel. Ici, Internet n’est plus envisagé dans sa pure composante technologique mais englobe bien davantage des usages de cette technologie : partage de fichiers, d’images, d’informations, lieux de sociabilité et/ou de pouvoir, manière d’envisager et de s’accaparer des œuvres (des arts traditionnels jusqu’aux séries télévisées), outil de création, etc. Pour le dire autrement, le post-Internet désignerait l’époque où utiliser le net devient aussi banal que jadis utiliser un crayon, un moment où « les nouvelles technologies » sont débarrassées de leur aspect a priori technologique.
Cet usage d’Internet a largement modifié notre usage du monde. Comme l’affirme l’artiste Gregory Chatonsky « Avec l’ontologie du réseau nous sortons (enfin) des théories immatérialistes du digital : pendant longtemps, Internet a été considéré comme une forme de contre-monde, de monde imaginaire, de monde dégradé parce que factice. On l’opposait à la “vraie réalité” selon une logique de l’adéquation entre la réalité et la vérité. Or l’influence d’Internet sur la production des phénomènes, sur les événements et sur nos perceptions, rend cet immatérialisme caduc. ». Ainsi, Internet a rendu plurielle notre approche de ce qui nous entoure si bien que, pour beaucoup, la question du rapport au « réel » — si tant est qu’on puisse élaborer une ontologie du « réel » — se complexifie.
Ce (nouveau) paradigme post-Internet a bien évidemment eu des conséquences sur la création. Plasticiens, musiciens, romanciers, chorégraphes… l’ensemble de la création contemporaine s’est emparé de cet imaginaire et de ces usages. C’est de cela qu’entend parler le premier numéro de la revue RADIAL – Revue de Recherche de l’ESADHAR, de l’esam Caen/Cherbourg et de l’ENSA Normandie.