Li(v)re
On ne lit pas un livre, le livre lit votre espace culturel et vous le renvoie avec plus ou moins de pertinence. Dans le cas d’un roman co-écrit avec une IA, la question n’est pas de savoir si la machine écrit comme un être humain car nous ne savons pas même ce qu’un être humain peut faire de l’écriture, mais de voir comment ce texte tend un miroir noir à notre lecture et à nos présupposés, aux autres livres que nous avons lus et auquel nous avons affecté, sans toujours y penser, une valeur constitutive de la lecture en général.
Sans doute il y aura toujours le malentendu de croire qu’en lisant un livre on consulte quelque chose qui est posé devant soi et qui retranscrit, traduit, exprime une intériorité, cette petite voix intérieure qu’on rencontre avec sa propre voix, et même si cette traduction est imparfaite et produit des effets collatéraux, on continue à supposer une telle consistance. Mais que se passe-t-il quand un livre est détaché de toute cette mythologie de l’intériorité et devient seulement un point d’activation d’un espace culturel implicite ?
Le travail de Jean-Pierre Balpe pose, dans le caractère furtif et disséminé de sa pratique, cette question de la consistance et de l’inconsistance de l’écriture et de la lecture, et l’ennui que provoque ces livres n’est rien au regard du fait qu’il est sans doute l’un des seuls à avoir poursuivi et) retourner Le Livre de Mallarmé, c’est-à-dire d’une écriture infinie et sans borne, d’une écriture qui défie son prétendu auteur, qui lui survivra non pas dans la mémoire de la lecture, mais dans le processus même de son écriture, et qui donc n’a que peu de choses à voir avec l’expression d’une intériorité
D’une certaine façon je poursuis ce chemin avec d’autres moyens et d’autres ils imaginaires
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You don’t read a book, the book reads your cultural space and sends it back to you with more or less relevance. In the case of a novel co-written with an AI, the question is not to know if the machine writes like a human being, because we don’t even know what a human being can do with writing, but to see how this text holds up a dark mirror to our reading and to our presuppositions, to the other books we have read and to which we have assigned, without always thinking about it, a constitutive value of reading in general.
Without doubt there will always be the misunderstanding of believing that by reading a book we consult something that is placed in front of us and that retranscribes, translates, expresses an interiority, that small inner voice that we meet with our own voice, and even if this translation is imperfect and produces collateral effects, we continue to suppose such a consistency. But what happens when a book is detached from this whole mythology of interiority and becomes only a point of activation of an implicit cultural space?
Jean-Pierre Balpe’s work poses, in the furtive and disseminated character of his practice, this question of the consistency and inconsistency of writing and reading, and the boredom that these books provoke is nothing compared to the fact that he is undoubtedly one of the only ones to have pursued and returned Mallarmé’s Book, that is to say, an infinite and boundless writing, a writing that defies its so-called author, that will survive him not in the memory of the reading, but in the very process of its writing, and that therefore has little to do with the expression of an interiority
In a certain way I continue this way with other means and other imaginary they