L’ImA et les réseaux de neurones
Pour problématiser l’imagination artificielle en partant des RNN, GAN et technologies apparentées? Cette imagination ne doit-elle pas être étendue à d’autres techniques telles que la génération morphologique ou l’interactivité et s’appliquer à l’ensemble de l’art numérique ? S’agit-il d’une limitation simplement technique ?
Il faut comprendre qu’il s’agit là d’un choix stratégique d’ouverture qui n’exclue pas, à partir du moment où l’imagination artificielle sera clairement définie, de l’appliquer à des pratiques contemporaines que celles-ci soient numériques, postdigitales ou autres. De plus, cette ouverture est plus grande encore puisque nous définissons ce concept simultanément comme l’imagination des machines et l’imagination que nous nous formons à propos des machines, articulant par là même phénomène technique et imaginaire.
Nous nous intéressons à ce qui arrive spécifiquement avec les réseaux récursifs de neurones tant d’un point de vue esthétique qu’ontologique. Il semble difficile de rabattre ceux-ci sur d’autres types de pratiques. Qu’est-ce qui distingue en effet l’apprentissage profond d’autres méthodes génératives ?
– Si on comprend l’imagination comme la production d’images alors force est de constater que les images générées par les neurones artificiels sont très différentes de celles produites par d’autres pratiques. Elles sont en effet photographiques et reposent la question de la représentation et du réalisme.
– Le lien de ces neurones artificiels au Web est structurel parce qu’ils ont besoin d’un nombre important de données pour apprendre. Il ne s’agit plus de détournement des flux, mais de fournir une nourriture aux machines. Ceci implique une relecture de la période historique du Web 2.0 comme capture du monde humain.
– Le niveau d’autonomie et d’indétermination, au sens où l’entend Simondon, du programme est supérieur dans le cas que nous envisageons parce qu’il ne s’agit plus seulement de formaliser et d’introduire une part d’aléatoire comme dans la plupart des cas de la génération morphologique, mais de vectoriser et bruiter les données.
– Ce que nous nommons la narration logicielle, c’est-à-dire la capacité de faire le récit intérieur d’un logiciel est spécifique avec l’apprentissage profond, et en particulier concernant la réflexivité. En effet, ce sont des logiciels qui appliquent la boucle rétroactive à la relation entre génération et prédiction ce que ne fait pas la génération classique.
– Si on contextualise les technologies dans le champ social, force est de constater que l’apprentissage profond est traité d’une manière particulière par les médias, les entreprises et le public. Il ne s’agit pas d’une technique de programmation parmi d’autres, mais d’un champ social. On peut le constituer ainsi comme un champ spécifique, du moins dans le récit qu’on en fait.
Toutefois, ce choix d’ouverture ne doit pas masquer l’objectif généraliste de la formation du concept d’imagination artificielle. Partant d’une définition restreinte, pour en faciliter l’exploration, notre finalité est d’élaborer un concept pouvant s’adapter ensuite, selon le désir de chacun, à plusieurs contextes. Les réseaux récursifs de neurones sont moins à envisager comme une technique de programmation instrumentale que comme un symptôme d’époque, ce qui semble justifier pleinement ce choix limitatif d’ouverture.