L’extinction

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Je nomme extinction la clôture anthropotechnologique, c’est-à-dire la double fin de la technique et de l’être humain. L’extinction concerne en effet aussi bien la fermeture d’un composant électrique telle qu’une lumière que la disparition d’une espèce vivante.

Par ce concept il s’agit de détourner l’argument commun sur le caractère indissociable de l’humain et de la technique, et la dépendance de la seconde par rapport au premier. Ainsi, on dit souvent qu’il suffit d’éteindre une machine pour qu’elle devienne inopérante, comme si par l’unplug on reprenait le pouvoir et on sortait du monde illusoire de la machine. S’il ne s’agit pas de nier l’actuelle dépendance énergétique des machines (on the grid), il faut ajouter à cette dépendance la réciproque : débranchons les machines et voyons ce qui nous arrive.Nous croyons que l’être humain est une espèce séparée qui est dans un second temps plongée dans un contexte dont la technique serait une des composantes. Ne serait-il pas plus judicieux de penser l’être humain comme toujours déjà lié à ce contexte, au point qu’il devient difficile de séparer nettement cette espèce des objets techniques ? La symbiose anthropotechnologique est une co-originarité qui détermine aussi un horizon dont la génétique serait une étape essentielle.

Il faut ajouter que l’extinction ne concerne pas seulement un acte volontaire d’arrêt, elle touche aussi à une extinction impersonnelle, celle de la φύσις et de ses conditions objectives (hyperobjet, Tim Morton): un météorite tombant sur terre pourrait faire disparaître toute trace de vie et de technicité. Il y a dans ces différentes figures une extinction qui permet de suppléer à l’anthropocentrisme de la finitude. La fin ne concerne pas que les êtres humains, mais est la pente de toutes choses. Elle est l’impensable puisqu’elle peut mener à la fin de la pensée comme processus organique, à sa disparition pure et simple. Et pourtant, cet impensable est ce qui est à penser.