Les insulaires
On se croyait quasiment seul à aimer certains cinéastes, certains artistes visuels, certaines musiques. On se pensait presque seul à lire à haute voix de la poésie germanique, à parcourir Hölderlin et Perse, à sentir les balbutiements de l’histoire ne cessant de retourner à ses origines. On se rêvait très peu à sentir les coups du monde et du réel, à douter de cette présence à force de présence, à sentir le mal avant toute blessure. Internet nous a fait découvrir que nous étions nombreux et que tous ces sentiments, que toutes ces pulsions de connaître et de sensation étaient communes, presque vulgaires. Internet nous a noyé. Nous étions seuls. Nous sommes à présent nombreux et jamais nous n’avons été aussi seuls.