The kitsch of self-referential recursion
We see more and more often a scheme applied to theoretical knowledge, whose parallel history is known in the artistic field, consisting in applying a subject to itself. Thus, we talk about the end of the world in cinema and we consider that the end of a film, when it gets dark, is the end of the world itself. It is a recursive loop whose figure seems to be able to be applied and declined to almost everything, so much it is indifferent to its object.
This indifference seems to me to be the mark of a certain kitsch or of a recipe that gives the appearance of depth and that is, in my eyes, only a pre-reflexive way of posing the reflection, that is to say the fact that everything is “like” doubled.
I was talking about the artistic field, and I would like to make this detour to clarify the consequences of this scheme in theory: self-referentiality has been thematized by Greenberg as an emancipation of the work of art going from its mimetic representation to its self-referentiality conceived as the proper truth of the medium. The painter (abstract expressionist) had to free himself from the submission to realism in order to let himself be absorbed by the truth of the medium. Thus, it was a question of painting the painting, of representing the representation itself, and so on. Cybernetics also deployed a singular form of recursivity that produced an atmosphere conducive to its application to various fields.
In the theoretical field, recursive self-referentiality constitutes the “end” of reasoning, at the point where one discovers that the subject is the subject of the subject. This doubled centrality gives the effect of a truth, the accomplishment of the presence to itself. In this domain, as in so many others, it would be necessary to analyze the affectivity of thought and what it gives itself by inscribing certain words and developing certain schemes.
This self-referential recursivity finds in the methods in research-creation a privileged field of development because the method is precisely a path that announces itself before being traveled and that must guarantee, in advance, its tracing. Thus the method used often takes the shape of the envisaged object, this shape taken as mold would be the guarantee of an identity to oneself, of a correspondence of what one thinks and of the way that one has to think it.
However, this return to oneself does not allow to thematize an original crack, as an irreparable separation between the subject and the object, and to approach the imbalance of the reflexivity which is not identity to oneself, but difference, in the repetition, to “oneself”. The question of apriori in Kant, and in particular the transcendental imagination left fallow after the first edition of the CRP, seems to me to be conducive to a less systematic recursivity, whose foundation is not identity to oneself, but which operates from an original collapse.
This kitsch is also that of the self who gives himself to think to himself in the transparency of a supposed identity.
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On voit de plus en plus souvent un schème s’appliquer à la connaissance théorique, dont on connait l’histoire parallèle dans le champ artistique, consistant à appliquer un sujet à lui-même. Ainsi, on parle de la fin du monde au cinéma et on estime que la fin d’un film, lorsque le noir se fait, est la fin du monde elle-même. Il s’agit d’une boucle récursive dont la figure semble pouvoir s’appliquer et se décliner à peu près à tout, tant elle est indifférente à son objet.
Cette indifférence me semble être la marque d’un certain kitch ou d’une recette qui donne l’apparence de la profondeur et qui n’est, à mes yeux, qu’une façon préréflexive de poser la réflexion, c’est-à-dire le fait que toute chose est « comme » doublée.
Je parlais du champ artistique, et j’aimerais faire ce détour pour éclaircir les conséquences de ce schème en théorie : l’autoréférentialité a été thématisée par Greenberg comme une émancipation de l’œuvre d’art allant de sa représentation mimétique à son autoréferentialité conçue comme la vérité propre du médium. Le peintre (expressionniste abstrait) devait se libérer de la soumission au réalisme pour se laisser absorber par la vérité du support. Ainsi, il s’agissait de peindre la peinture, de représenter la représentation elle-même, et ainsi de suite. La cybernétique a aussi déployé une forme singulière de récursivité qui a produit une atmosphère propice à son application à des domaines divers.
Dans le champ théorique, l’autoréferentialité récursive constitue la « fin » du raisonnement, à l’endroit où on découvre que le sujet est le sujet du sujet. Cette centralité doublée donne l’effet d’une vérité, l’accomplissement de la présence à elle-même. En ce domaine, comme en tant d’autres, il faudrait analyser l’affectivité de la pensée et ce qu’elle se donne en inscrivant certains mots et en développant certains schémas.
Cette récursivité autoréférentielle trouve dans les méthodes en recherche-création un domaine privilégié de développement parce que la méthode est précisément un chemin qui s’annonce avant d’être parcouru et qui doit garantir, d’avance, son tracé. Ainsi la méthode utilisée prend souvent la forme de l’objet envisagé, cette forme prise comme moule serait la garantie d’une identité à soi, d’une correspondance de ce qu’on pense et de la manière qu’on a de le penser.
Or, ce retour à soi ne permet pas de thématiser une fêlure originaire, comme séparation irréparable entre le sujet et l’objet, et d’aborder le déséquilibre de la réflexivité qui n’est pas identité à soi, mais différence, dans la répétition, à « soi ». La question de l’apriori chez Kant, et en particulier l’imagination transcendantale laissée en jachère après la 1re édition de la CRP, me semble propice à une récursivité moins systématique, dont le fondement n’est pas l’identité à soi, mais qui opère à partir d’un effondement originaire.
Ce kitsch est aussi celui du sujet qui se donne à penser à lui-même dans la transparence d’une identité supposée.