“Imagine something and just type it!”
This sentence, found in one of the many sites that use Stable Diffusion (https://getimg.ai) is not insignificant. It allows us to imagine the current turn of the artificial imagination (AIm) which is not a simple automation and externalization of a human faculty, but a new mode of reflexivity of the imagination.
This sentence does not describe a software operation, but is an injunction addressed to a human agent. It is first of all a question of imagining something. In this symptomatology, every word matters since what is imagined is without content, only the fact of imagining matters. It would thus be enough to want to imagine in order to imagine. The will is thus prior to the imagination and if we reread this articulation with the debate on imagination in Kant’s Critique of Pure Reason in its two editions, we understand that this predominance and this anteriority of the will over all other faculties is problematic.
Once the something is imagined, it would be enough to write it down. This supposes not only that one knows what one has imagined but also that one can pass from a mental image to a text without difficulty and without loss. In other words, the passage between the two is guaranteed in advance, so that finally the software can produce an image that is no longer mental, but material (because let’s remember that the digital image is material) and that is the reproduction of the mental image.
We understand that what guarantees an externalization of the mental image under the shape of a material image is the injunction of the text named prompt. It is because this text is the identical translation of a mental representation that it is possible in output to generate an image which reproduces what one has in the head.
Pierre Cassou-Noguès in Lire le cerveau (2012) had rigorously deconstructed the deception of brain readers (EEG), making people believe in the possibility of reading thoughts, not only by confusing mental states and neuronal states, but also by overlooking a certain number of paradoxes, in particular those concerning the thought of thought: the validity of brain readers can only be verified by asking the captured subject if, a posteriori, there is a correspondence between the capture and what he or she has thought. But one can never make the account of one’s thought and when one says one’s thought, one never says it directly, there is always a deferment (in the sense of the Derridean deferment) of the reflexive resumption: one thinks that one’s thought was this.
This basic uncertainty affects the injunction made here between mental image, writing, material image, with the aim of guaranteeing that the first is identical to the third, that a material image is the expression of something that one has in the head.
The fact that it is writing, understood as a translation without loss and without remainder, transparent, of thought that is in charge of this operation, brings us back to theological (cf. the question of Genesis and language in Scholem) and philosophical debates that may seem to be of a classicism that is not very apt to approach the novelty of artificial neuron networks. But they allow us to grasp their historical roots, the fact that the present situation comes to actualize, intensify, radicalize (in the sense of an unstable arch) the way in which, for example, the Platonic tradition, tried to guarantee the passage of the Ideas in the world of material shadows.
“Imagine something and just type it!”, this seemingly vulgar sentence goes at breakneck speed and, in its own particular way, it sums up in the blink of an eye the Western history of a subject giving itself the injunction to have mental representations, to write them down in a transparent way so that then technique, this somatic exteriorization, takes care of the rest, that is to say in this case produces an image that is identical to what is in the skull.
There is in this sentence a symptomatic description of the current evolution of the capture that now applies to the conditions of possibilities of the human faculties, and in particular of the intelligence (in Kantian language, the relation between understanding and reason) and the imagination (whose role in the play of the Kantian faculties is troubled and problematic to the highest degree).
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“Imagine something and just type it!
Cette phrase trouvée au détour d’un des nombreux sites qui utilisent Stable Diffusion (https://getimg.ai) n’est pas anodine. Elle permet de se figurer la tournure actuelle de l’imagination artificielle (ImA) qui n’est aucunement une simple automatisation et extériorisation d’une faculté humaine, mais un nouveau mode de réflexivité de l’imagination.
Cette phrase ne décrit pas un fonctionnement logiciel, mais est une injonction adressée à un agent humain. Il s’agit en premier lieu d’imaginer quelque chose. Dans cette symptomatologie, chaque mot importe puisque ce qui est imaginé est sans contenu, seul importe le fait d’imaginer. Il suffirait ainsi de vouloir imaginer pour imaginer. La volonté est donc antérieure à l’imagination et si l’on relit cette articulation avec le débat sur l’imagination dans la Critique de la raison pure de Kant dans ses deux éditions, on comprend que cette prédominance et cette antériorité de la volonté sur toutes autres facultés est problématique.
Une fois le quelque chose imaginé, il suffirait de l’écrire. Ceci suppose non seulement qu’on sait ce qu’on a imaginé mais qu’on peut aussi passer d’une image mentale à un texte sans difficulté et sans perte. En d’autres termes, le passage entre les deux est garanti d’avance, pour qu’enfin le logiciel puisse produire une image qui n’est plus mentale, mais qui est matérielle (car rappelons-le image numérique est matérielle) et qui est la reproduction de l’image mentale.
On comprend que ce qui garantit une extériorisation de l’image mentale sous la forme d’une image matérielle est l’injonction du texte nommé prompt. C’est parce que ce texte est la traduction à l’identique d’une représentation mentale qu’il est possible en sortie de générer une image qui reproduit ce qu’on a dans la tête.
Pierre Cassou-Noguès dans Lire le cerveau (2012) avait déconstruit de manière rigoureuse la supercherie des lecteurs de cerveau (EEG) faisant croire à la possibilité de lire la pensée et, non seulement, en confondant états mentaux et états neuronaux, mais encore en faisant l’impasse sur un certain nombre de paradoxes, en particulier ceux concernant la pensée de la pensée : on ne peut vérifier la validité des lecteurs de cerveau qu’en demandant au sujet capté si, a posteriori, il y a bien correspondance entre la captation et ce qu’il a pensé. Or on ne peut jamais faire le compte de sa pensée et quand on dit sa pensée, on ne le dit jamais directement, il y a toujours une différance (au sens du différé derridien) de la reprise réflexive : on pense que sa pensée était celle-ci.
Cette incertitude de fond affecte l’injonction faite ici entre image mentale, écriture, image matérielle, dans le but de garantir que la première est identique à la troisième, qu’une image matérielle est l’expression de quelque chose qu’on a dans la tête.
Que ce soit l’écriture, comprise comme traduction sans perte et sans reste, transparente, de la pensée qui soit chargée de cette opération, nous renvoie à des débats théologiques (cf la question de la Genèse et du langage chez Scholem) et philosophiques qui peuvent sembler d’un classicisme peu à même d’approcher la nouveauté des réseaux de neurones artificiels. Mais ils permettent d’en saisir l’enracinement historique, le fait que la situation présente vient actualiser, intensifier, radicaliser (au sens d’une arche instable) la manière dont, par exemple la tradition platonicienne, a essayé de garantir le passage des Idées dans le monde des ombres matérielles.
“Imagine something and just type it!”, cette phrase d’apparence vulgaire va à une vitesse folle et, à sa façon particulière, elle résume dans un clin d’oeil l’histoire occidentale d’un sujet se donnant à lui-même l’injonction d’avoir des représentations mentales, de les écrire de façon transparente pour qu’ensuite la technique, cette extériorisation somatique, s’occupe du reste, c’est-à-dire dans ce cas produise une image qui est identique à ce qu’il y a dans le crâne.
Il ya dans cette phrase une description symptomatique de l’évolution actuelle de la capture qui s’applique maintenant aux conditions de possibilités des facultés humaines, et en particulier de l’intelligence (en langage kantien, la relation entre entendement et raison) et l’imagination (dont le rôle dans le jeu des facultés kantiennes est trouble et problématique au plus haut point).