Google imagination
Nous passons nos journées connectés. Nous ne cessons d’utiliser les services de Google, l’email et l’agenda, les documents et le moteur de recherche. Mais nous sommes incapables de le penser, c’est-à-dire d’imaginer Google, d’en former une image. Tout se passe comme si l’instrumentalité de ces services nous accaparait et rendait inopérante la réflexion.
Lorsque nous parvenons à imaginer Google, c’est sous l’aspect de la théologie de ses évangélistes tels que Ray Kurzweil. L’imagination ne s’échappe pas de la domination de Google qui a su, comme entreprise, investir jusqu’au récit de sa propre utopie sous la forme du transhumanisme.
Il s’agit de faire un pas de côté et de penser Google en dehors du cadre établi par cette corporation. Par exemple, on remplacera Ray Kurzweil par la figure plus terme du responsable des infrastructures de Google : Urs Hölzle. On commencera alors à sortir du récit constitué par Google et auquel se soumettent, sans toujours le savoir, nombre d’artistes et de théoriciens, fascinés autant qu’effrayés par les hypothèses posthumaines. On suivra Hölzle à la trace, cherchant son profil social, ses publications et ses conférences.
On disloquera ensuite le dépassement de la finitude anthropologique promis par cette entreprise, « la mise à mort de la mort », par l’hypothèse d’une extinction de l’espèce humaine. Google, dans cette spéculation, n’aura-t-il pas été la tentative de sauvegarder coûte que coûte une quantité si immense d’informations qu’elle en devient impensable ? La frénésie d’inscrire toutes choses, nos amours et nos séparations, nos transactions bancaires et chacune de nos navigations, n’est-elle pas hantée par notre disparition ? Le transhumanisme n’est-il pas, derrière le masque d’une survie absolue, la certitude de notre extinction prochaine poussant à tout enregistrer sur des disques durs ?
On commencera alors à imaginer Google et à sortir de la fascination tout autant que de la conjuration, c’est-à-dire de sa hantise. C’est en ramenant Google à sa matérialité banale qu’on parviendra peut-être à éviter l’emprise d’une idéologie du futur et à imaginer l’avenir.