Exosensibilité
Arts contemporain, des nouveaux médias et du son
Les temps multiples
RODIONOFF Anolga (dir.)
http://www.editions-hermann.fr/5601-arts-contemporain-des-nouveaux-medias-et-du-son.html
Réfléchir avec l’art contemporain aux différents régimes temporels qui caractérisent la société présente, telle est l’ambition de cet ouvrage. Les œuvres dès lors sont considérées comme de véritables analyseurs de transformations qui traversent la société actuelle. Telle est une première hypothèse. À regarder de près l’art contemporain et l’art des nouveaux médias, le temps s’impose comme une des préoccupations majeures de certains artistes, un temps qui apparaît alors non plus un mais multiple. Telle est la seconde hypothèse. Cet ouvrage explore ainsi la capacité des œuvres à produire un savoir sur le temps ou sur des temps différents : un temps logique, ou informatique, et un temps physique, ou organique. L’art contemporain et l’art des nouveaux médias, en dévoilant des régimes de temps différents, chahutent ainsi l’emboîtement temporel passé, présent, futur, et conduisent à questionner la conservation, ses méthodes et ses concepts, de même que ceux de l’histoire de l’art.
Exosensibilité
– Une fêlure transcendantale
I. Paradoxes de l’identité
II. Infinitude
III. imagination artificielle
– Anthropotechnologie
Le titre est ambitieux, sans doute l’est-il trop. Il laisserait supposer qu’on déploierait dans ce présent article une théorie de l’exosensibilité, c’est-à-dire de la sensibilité du dehors au double sens du terme d’une sensibilité se tournant vers l’extériorité et d’une extériorité, par exemple technologique, capable de nous percevoir. Cet entrelacement serait alors à même d’expliquer les raisons pour lesquelles nous sommes de plus en plus confrontés, dans et par « nos » productions techniques, à quelque chose dépassant nos capacités d’appréhension et de schématisation, nous donnant le sentiment que ceci nous submerge et exigerait un temps quasi infini pour en faire le tour. Ce serait là, somme toute, une manière assez classique de poser les relations entre l’intériorité finie et l’extériorité infinie, entre la subjectivité limitée et l’objectivité illimitée, entre ce que nous sommes et ce qu’est le monde, technicité comprise, catégories et divisions remises au goût du jour. Anticipons-le, sans doute devrions-nous avancer l’hypothèse que cette exosensibilité est originairement technologique et peut-être même aurions-nous le réflexe de dénaturaliser la sensibilité faisant de la prothéticité un fait originaire, originaire du défaut de l’être humain, de son défaut d’origine. Cela a déjà été avancé dans la première partie de l’œuvre de Bernard Stiegler1.
Le titre de l’introduction appellerait quant à elle à problématiser cette technicité sensible de la relation entre le sujet et le monde en reprenant le fil conducteur du transcendantal kantien qui est, nous le savons bien, une question en apparence éminemment technique, mais qui est, nous nous en souvenons aussi, une façon si puissante d’approcher le fonctionnement des facultés entre la sensibilité, l’entendement et la raison.
Continuons à anticiper le fil du discours : nous parviendrions sans doute à la conclusion que l’imagination transcendantale, c’est-à-dire la faculté indéterminée à produire des images, et non à reproduire des images préexistantes, est la « racine inconnue »2 de ce déraillement du bon enchaînement des facultés, le schématisme, donnant accès à ce temps excessif du technologique. Il faudrait alors faire un pas de plus et montrer que cette mystérieuse spontanéité de l’imagination est à la racine du fait technique et de la transformation de l’Être qui n’est jamais intact.
Je ne mènerais pas à bien ce projet. (…)