La déclinaison des générations
Il y aurait aux yeux de certains des générations d’artistes dont les différences ne seraient pas simplement chronologiques, mais thématiques : les problématiques changeraient avec le temps et les exigences de l’époque, créant une certaine ambiance historique, passant d’un sujet à un autre, nouveauté entrainant une obsolescence de pratiques dépassées.
S’il n’y a pas lieu de contester un esprit du temps déterminé par des contextes spécifiques dont les artistes s’inspirent, entre intérêt pour l’actualité et mimétisme envers certaines formes plastiques, on peut déconstruire l’image trop simpliste de générations homogènes. Non seulement, chaque génération contient des possibilités diverses que la victoire institutionnelle de certaines ne saurait réduire à former une identité, mais encore le temps de l’art n’est pas seulement chronologique et déterminé par l’actualité.
Il y a dans l’historicité de l’artiste quelque chose d’intempestif pouvant l’amener à se sentir plus proche d’un autre temps que du « sien » sans pour autant que cet autre temps n’entraine une nostalgie ou un regard tournant vers un passé rassurant. Par ailleurs, chaque génération semble vouloir effacer la précédente dans l’objectif de faire sa place et de la trouver par identification en occultant le plus souvent que certaines de « ses » problématiques étaient déjà là sous d’autres formes dans les générations précédentes.
Les thématiques artistiques sont alors des déclinaisons au sens strict du terme. Elles prennent des formes diverses et s’allient singulièrement avec le contexte. Reconstituer les fils de ces déclinaisons, c’est se permettre de proposer une histoire singulière qui ne se synchronise pas au rythme de l’actualité et des nouveautés ou des effets de mode dont l’art contemporain nous abreuve où chacun cherche à rester synchro et à respirer l’air du temps.
Il faut savoir être de « son » temps et voir en celui-ci quelque chose qui est à contretemps, un temps qui n’est pas identique à lui-même tant il est hanté par des possibilités inachevées, qu’on pourrait nommer historialité. L’autre temps n’est pas regard tourné vers l’arrière, mais le passé à venir, celui qui vient et qui ne sera jamais réalisé. Cette réserve interminable de possibles est ce qui déclenche une dynamique temporelle où les époques, comme formes plastiques, s’enchâssent les unes aux autres sans hiérarchie chronologique, à la manière de plaques tectoniques qui se feuillètent à mesure qu’elles entrent en contact.
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There would be in the eyes of some generations of artists whose differences would not be simply chronological, but thematic: the problems would change with time and the requirements of the time, creating a certain historical atmosphere, passing from a subject to another, novelty entraining an obsolescence of outdated practices.
If there is no need to contest a spirit of the time determined by specific contexts from which the artists are inspired, between interest for the actuality and mimicry towards certain plastic forms, we can deconstruct the too simplistic image of homogeneous generations. Not only, every generation contains diverse possibilities that the institutional victory of some would not know how to reduce to form an identity, but also the time of the art is not only chronological and determined by the actuality.
There is in the historicity of the artist something of untimely being able to bring it to feel closer to another time that of the “his” without for all that this other time does not involve a nostalgia or a glance turning towards a reassuring past. Moreover, each generation seems to want to erase the previous one in the objective to make its place and to find it by identification by hiding most often that some of “its” problems were already there under other forms in the preceding generations.
The artistic themes are then declensions in the strict sense of the term. They take diverse forms and combine singularly with the context. Reconstructing the threads of these declensions, it is to allow to propose a singular history which is not synchronized with the rhythm of the current events and the novelties or the effects of mode of which the contemporary art abounds to us where each one seeks to remain synchro and to breathe the air of time.
It is necessary to know to be of “its” time and to see in this one something which is against time, a time which is not identical to itself so much it is haunted by unfinished possibilities, that one could name historicity. The other time is not looking backwards, but the past to come, the one that comes and that will never be realized. This interminable reserve of possibilities is what triggers a temporal dynamic where the eras, as plastic forms, are enchained one to the other without chronological hierarchy, in the manner of tectonic plates which are laminated as they come into contact.