D’autres singularités?
« L’imagination change le monde. Il n’y a pas plus de poètes sans imagination que d’explorateurs, d’inventeurs ou même d’hommes d’État. » (Éluard, OC II, 873)
Pourquoi développer un autre modèle que la Singularité?
Si l’ImA concerne la capacité des machines à imaginer, mais aussi la manière dont nous imaginons les machines, force est de constater que la Singularité de Ray Kurzweil s’est imposée comme le récit dominant du développement technologique et constitue déjà un certain imaginaire.
Les objections à cette Singularité sont déjà nombreuses (Le mythe de la Singularité de Jean-Gabriel Ganascia et Demain les posthumains de Jean-Michel Besnier), mais la théologie implicite qu’elle développe est plus difficile à réfuter que son apparente naïveté ne le laisserait croire dans la mesure où elle plonge de profondes racines dans la culture occidentale. En réalisant le divin par le technologique, elle révèle a posteriori un destin.
Les technologies ne sont pas simplement des instruments, mais aussi des idéologies. L’exemple du cinéma hollywoodien comme machinerie de capture en est un exemple frappant que Bernard Stiegler a longuement analysé. On « colonise » les imaginaires en proposant des récits et celui de la Silicon Valley est déjà à l’œuvre. Il semble important de développer d’autres récits qui fassent preuve de réflexivité historique et d’un point de vue critique en nous permettant de redoubler notre époque, c’est-à-dire d’imaginer l’imagination.