Biennale de l’image possible — Liège, BE
Le Rêve des machines
(2014-2020)
Aluminium, polycarbonate, bioplastique,
composants électroniques/Aluminium,
polycarbonate, bioplastic, electronic components
Avec le soutien / with the support of Audi Talents
Commissaire : Anne-Françoise Lesuisse
Remerciements : Gilles Dewalque, Valentin Conraads, Marc Wendelski, Anja Bücherl et la ville de Liège
https://bip-liege.org
La machine a enregistré sur le réseau des milliards de données qui sont autant de traces des mortels. Elle utilise ces données hypermnésiques pour alimenter une intelligence artificielle devenue capable de créer des images, des textes, des sons ressemblants mais différents des originaux.
C’est à cette automatisation du réalisme que nous convie cette installation. Elle se présente comme un datacenter à venir où, après la disparition de l’espèce humaine, des machines continueraient à nous rêver.
Une structure en aluminium encadre l’espace et nous plonge dans les datacenters par un lent travelling où se juxtaposent des images de la logistique des machines : extraction, déforestation, formation. On y aperçoit le lac noir de Baotou en Mongolie chinoise, fruit de la pollution par les déchets des terres rares nécessaires à la production de nos écrans. Des fragments sculpturaux de corps humains sont creusés par eux, comme si on les avait soustraits d’eux-mêmes. Dans trois salles plus petites, on entend le rêve de la machine sur des images d’une planète, d’un cancer et de visages qui n’existent pas et qui sont dans une métamorphose permanente et informe. D’autres corps sont posés au côté de ces récits : c’est une intelligence artificielle qui, alimentée par des milliers d’organismes en 3D, a produit de nouvelles espèces possibles mais encore inexistantes.
The machine has recorded billions of pieces of data on the net that are as many traces of mortals. It uses these hyper mnesic data to feed an artificial intelligence that has become capable of creating images, texts and sounds similar to but different from the originals. It is to this automation of realism that this installation invites us. It is presented as a future datacenter where, after the disappearance of the human species, machines would continue to dream us.
An aluminium structure frames the space and plunges us into the datacenters through a slow travelling shot where images of the logistics of the machines are juxtaposed: extraction, deforestation, training. We can see the black lake of Baotou in Chinese Mongolia, the result of pollution by the rare earth waste necessary for the production of our screens. Sculptural fragments of human bodies are dug out by them, as if they had been removed from themselves. In three smaller rooms, the dream of the machine is heard over images of a planet, cancer and faces that do not exist and are in a permanent and shapeless metamorphosis. Other bodies are placed alongside these stories: it is an artificial intelligence which, fed by thousands of 3D organisms, has produced new possible but as yet non-existent species.
https://plus.lesoir.be/326688/article/2020-09-22/biennale-de-limage-possible-une-biennale-de-combat
https://quatremille.be/bip-2020-quand-lart-survit
“Et si la fin du monde était pour demain ? Et si les machines remplaçaient les êtres humains ? Avec ces deux interpellations, on se croirait presque dans le dernier blockbuster hollywoodien. Il ne s’agit pourtant pas des divagations d’un complotiste en mal de reconnaissance, mais du thème de l’exposition de Grégory Chatonsky.
Fasciné par la technologie depuis plus de 20 ans, cet artiste franco-canadien compte internet dans ses principales sources d’inspiration. Et a notamment collaboré avec une intelligence artificielle pour écrire un livre. Vous avez bien entendu : l’homme et la machine se sont associés pour accoucher d’un roman, transformé pour l’occasion en fichier audio !Dans son exposition, Grégory Chatonsky nous en livre 3 chapitres, déclamés par la reconnaissable voix de Siri. Bien sûr, le résultat de cette collaboration ne restera pas dans les annales littéraires. Mais les échos des impulsions sonores entremêlées, comme sortant d’une dimension parallèle, réussissent à troubler le visiteur. Et donnent parfois l’impression d’écouter les divagations d’un schizophrène.
Cette tentative de transformer un programme informatique en écrivain n’est qu’une facette du talent de Chatonsky. Dans les pièces voisines, des écrans de télévision nous montrent le crépuscule de la civilisation humaine à travers des vidéos de déforestations et d’inondations. Rien ne nous est épargné mis à part le spectacle de notre propre extinction.
Si Chatonsky a pris soin de ménager nos yeux de cette vision apocalyptique, il s’est arrogé le droit de placer ça et là des vestiges de notre passé. Son but ? Nous donner l’impression qu’il ne reste plus rien de notre espèce à part quelques objets obsolètes. En tant que spectateur, nous ne pouvons que constater l’immensité des dégâts. L’Homo Sapiens n’est plus ! Il a été détrôné par la machine ; et sa sagesse, elle, ne semble plus être qu’un lointain souvenir ! Dans l’imaginaire de Chatonsky, la chaîne alimentaire s’est inversée nous propulsant vers le bas. Les appareils qui servaient autrefois à satisfaire nos caprices nous ont utilisés pour créer leur réalité alternative. Nos rêves et les données récoltées sur la toile les ont aidées à construire cet ersatz de monde dans lequel nous n’existons plus de manière physique.
Bien que l’expérience de Chatonsky nous paraisse extravagante, nous sommes obligés de reconnaître qu’à l’heure où les recherches sur l’intelligence artificielle s’intensifient, ce scénario catastrophe n’est plus si ridicule que cela. Pire même : il commence à devenir crédible. Que ferions-nous si nous perdions le contrôle de ces dispositifs informatiques qui régissent presque toute notre vie quotidienne ? Comment pourrions-nous les contrer s’ils se mettaient à fonctionner de façon aléatoire ? Quelle serait notre réaction si nous devions un jour nous en passer à cause de dysfonctionnements intempestifs ? Accepterions-nous de faire marche arrière où sombrerions-nous dans la folie ?”