Avions

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Il m’a dit que ça avait commencé par les avions. Le nombre d’accidents avait augmenté en quelques mois. Le ciel s’était assombri, parfois strié par des éclairs et par d’indéfinissables perturbations climatiques. À haute altitude, derrière les nuages, les turbulences s’étaient multipliées, les accidents électromagnétiques déréglaient tous les instruments de mesure. Les pilotes perdaient le contrôle, les avions tombaient dans le vide.

Les premières semaines, les compagnies aériennes avaient minimisé ces événements, faisant croire à un défaut de construction technique. Des milliers d’appareils avaient été rappelés en usine. Le nombre d’avions en circulation avait diminué, le prix des billets avait brutalement augmenté. Les accidents avaient continué. La peur des voyageurs augmentait, mais la nécessité de circuler à travers le monde faisait qu’ils tentaient de préserver une certaine insouciance.

Un événement changea tout, une image plutôt : un de ces voyageurs se filma avec un téléphone alors que l’avion tombait. Ce qu’on voit et ce qu’on entend dépassent l’imagination. Il y a d’abord son visage. Il comprend rapidement ce qui arrive et l’inévitable conclusion. On voit son calme, la terreur froide, le corps qui lâche, l’appareil qui tremble. Puis les voix, les cris, la précipitation des corps jetés les uns contre les autres, les évanouissements, l’odeur de pisse et de merde, les enfants qui tombent, la vitesse qui accélère, la peau qui se décolle et les yeux révulsés, ceux qui tentent encore de tenir, ceux qui abandonnent, les interminables minutes de la chute. On voit tout cela et on entend le reste.

L’être humain déserta le ciel.