Florian Gaité : After Alienation – Aliénations expérimentales – Artec
Pour une approche postmarxiste de l’épuisement festif
S’épuiser à danser dans un club ou une rave, se dépenser jusqu’à n’en plus pouvoir, peut constituer une image même de l’aliénation, dont Lyotard rappelle la définition étymologique comme manière de s’évacuer soi, de devenir étranger à soi-même par évidement. Cette approche autorise une lecture post-marxiste de l’épuisement festif comme une auto-exploitation volontaire, sans régime de domination, permettant au consommateur de dépenser plus que son énergie et à la travailleuse de décharger ses tensions pour se rendre plus performante. La perte de maîtrise qui s’y joue n’est-elle néanmoins saisissable que sous ce seul angle de la désappropriation de soi ? N’y a-t-il pas dans l’engagement festif quelque chose de l’ordre de l’affirmation, de l’acquiescement à la perte et de la jouissance de soi ? Il convient alors de différencier deux économies de la dépense, d’opposer la fatigue à l’épuisement, la maîtrise (Hegel) à la souveraineté (Bataille) pour comprendre l’épuisement festif comme une aliénation paradoxalement désaliénante, une pratique indisciplinée du corps potentiellement résistante (Foucault) ou émancipatrice (Federici), prenant place dans un temps anti-téléologique, l’after, propice, peut-être, à toutes les révolutions.
Biographie Professeur de philosophie à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence (ESAAix), Florian Gaité est chercheur associé à l’Institut ACTE (Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Après une thèse sur le concept de plasticité, menée sous la direction de Catherine Malabou, il oriente ses recherches sur l’articulation (épistémologique, ontologique, esthétique) entre art et négativité pour nourrir une approche critique de la culture contemporaine. Il mène également des recherches sur la danse, l’épuisement et leur sens critique dans une société productiviste, amorcées avec la publication en 2021 de Tout à danser s’épuise (éd. Sombres torrents). Entre 2020 et 2023, il codirige avec Aline Caillet le programme de recherche « La monde de l’art à l’âge du capitalisme culturel ». Membre de l’AICA, il est également critique d’art pour la presse écrite, des institutions culturelles et la radio.