L’art (des) technosciences.

voir la conférence à l’institut de France
http://chatonsky.net/art-science/

Le milieu culturel s’enthousiasme pour le développement des relations entre l’art et la science. Ce serait là la reprise d’une tradition ancienne, et pour ainsi dire fondatrice, celle de la Renaissance dont la réactivation serait à la hauteur des enjeux contemporains. Il en va aussi sans doute d’enjeux économiques et institutionnels, car si le domaine des arts est sous-financé celui de la science semble plus justifié (même si lui-même subit des restrictions). Sur les universités scientifiques viennent de plus en plus souvent se greffer des projets artistiques, culturels et sociaux dont l’objectif est de créer des médiations avec le public.

On trouve ainsi une nouvelle fonction à l’art dont l’utilité est régulièrement contestée : la médiation scientifique.

Qu’on me permette, pour simplifier mon propos, de distinguer deux types de relations entre l’art, la science et la technique :

  • L’art s’inspirant de concepts et méthodes scientifiques pour rendre sensible, perceptible, palpable à destination d’un large public des concepts souvent abstraits. L’œuvre d’art devient une représentation, au sens d’une visualisation, du savoir scientifique : à nous l’immensité du cosmos, les paradoxes de la physique quantique et les mystères de la génétique ! À nous la poésie de la connaissance ! L’artiste donne une forme sensible aux abstractions scientifiques afin d’éduquer le public et d’amener à débattre de questions fondamentales trop souvent ignorées.
  • L’art « utilisant » des outils technoscientifiques à ses propres fins. Le rapport n’est pas ici au service du contenu cognitif des technosciences, fût-ce pour le critiquer ou le déconstruire, mais consiste en un « usage » artistique d’autres disciplines. Si je place des guillemets, c’est que cet « usage » n’est pas instrumental et de façon paradoxale déplace l’instrumentalité anthropique de la technoscience. Ainsi l’œuvre d’art ne parle plus de la science, mais s’inspire de son univers pour ses problématiques propres.

La première option fait que l’œuvre d’art sert les technosciences et devient un objet de communication pédagogique traduisant des abstractions en sensations. Elle donne une signification aux pratiques artistiques. Cette servitude est contestée par la seconde option où, de façon paradoxale, l’artiste utilise les technosciences pour les détourner de leur instrumentalité, mais encore se considère lui-même comme un scientifique ou un technicien d’un genre fort particulier. Il a bien des connaissances en ces deux domaines, mais il ne développe ni fonction ni usage. Il s’attarde à des opérations désinstrumentalisées. Cette seconde option, fort minoritaire dans le contexte contemporain, me semble porteuse de possibilités bien plus importantes politiquement que la simple visualisation et la vulgarisation pastorale de concepts abstraits souvent mal compris.

The cultural milieu is enthusiastic about the development of relations between art and science. This would be the resumption of an ancient tradition, and so to speak founding, that of the Renaissance, whose reactivation would be up to the contemporary stakes. There are also undoubtedly economic and institutional issues at stake, because if the arts are underfunded, the field of science seems more justified (even if it is itself subject to restrictions). More and more often, artistic, cultural and social projects are grafted onto scientific universities, with the objective of creating mediation with the public.
We thus find a new function to the art whose utility is regularly disputed: the scientific mediation.

Let us allow me, to simplify my speech, to distinguish two types of relations between art, science and technique:

The art inspired by scientific concepts and methods to make sensitive, perceptible, palpable for a large public of the often abstract concepts. The work of art becomes a representation, in the sense of a visualization, of the scientific knowledge: to us the immensity of the cosmos, the paradoxes of the quantum physics and the mysteries of the genetics! To us the poetry of the knowledge! The artist gives a sensitive form to scientific abstractions in order to educate the public and to bring to debate fundamental questions too often ignored.
The art “using” techno-scientific tools to its own ends. The report is not here in the service of the cognitive content of technosciences, even if to criticize or deconstruct it, but consists in an artistic “use” of other disciplines. If I place quotation marks, it is because this “use” is not instrumental and in a paradoxical way displaces the anthropic instrumentality of the technoscience. Thus the work of art does not speak any more about science, but is inspired by its universe for its own problems.

The first option makes that the work of art serves the technosciences and becomes an object of pedagogical communication translating abstractions into sensations. It gives a meaning to the artistic practices. This servitude is contested by the second option where, in a paradoxical way, the artist uses the technosciences to divert them from their instrumentality, but still considers himself as a scientist or a technician of a very particular kind. He has indeed knowledge in these two domains, but he develops neither function nor use. He dwells on disinstrumentalized operations. This second option, which is very much in the minority in the contemporary context, seems to me to have much greater political possibilities than the simple visualization and popularization of abstract concepts that are often misunderstood.