Un art discontemporain : infinitude, postériorité, induction des possibles – Séminaire Anna Longo – CIPH

Le séminaire Technologies du temps reçoit l’artiste Gregory Chatonsky pour discuter autour de l’hypothèse d’un art post-contemporain.
“Je formulerais l’hypothèse d’une tendance post-contemporaine en art par laquelle le temps n’adhère plus à lui-même. En me reposant sur certaines de mes recherches artistiques, sur Reiner Schürmann et Kitarō Nishida, je proposerais trois stratégies :

  • L’infinitude des oeuvres dépassant notre capacité d’appréhension et réarticulant la finitude à l’infini
  • Le hors soi comme position extra-anthropologique.
  • L’induction statistique des réseaux de neurones artificiels qui reformule avec l’IA la question du possible.

Il s’agira à chaque fois d’analyser les conséquences perceptives de ces stratégies paradoxales et d’en tirer une esthétique et une politique accélérationnistes de l’imagination transcendantale.

https://www.ciph.org/spip.php?page=activite-detail&idevt=1106

Lyotard affirmait que les techno-sciences opèrent par le contrôle du temps : non seulement elles nous imposeraient une vitesse « inhumaine », mais, de plus, elles empêcheraient, par l’anticipation calculatoire des futurs possibles, l’arrivée d’un événement imprévisible. Ainsi, la seule forme de résistance envisageable consistait à attendre l’apparition soudaine de l’incalculable témoignant d’une réalité extérieure singulière excédant l’espace du possible établi a priori. Aujourd’hui cependant, plutôt qu’un régime de prévisibilité parfaite, les techno-sciences semblent nous avoir plongés dans l’incertitude : nous sommes exposés à des risques inédits dont la probabilité ne peut pas être induite à partir de la fréquence d’événements similaires dans le passé. Comme Ulrich Beck l’a remarqué, cette incertitude est l’effet du développement imprévisible de la connaissance et de ses productions historiques, étant donné que les risques sont produits par l’activité humaine. Puisqu’il sont impliqués par des conditions en évolution constante, les risques futurs sont calculés relativement à l’information disponible, ce qui force à une mise à jour continuelle de la probabilité des différents scénarios. Le résultat n’est pas une dynamique contrôlable mais une course à l’innovation des outils technologiques et des hypothèses prévisionnelles. Cette incertitude auto-engendrée est la condition de possibilité de la spéculation financière, ainsi que de toute stratégie de profit : dans les réseaux à échelle globale, il faut produire, vendre et utiliser de l’information (toujours hypothétique et toujours partielle), tout en sachant que les comportements qui l’exploitent produisent, à leur tour, de nouvelles données. La question est donc la suivante : quelle forme de critique, ou de résistance, face à un système de production d’incertitude où la connaissance est réduite à une stratégie de choix entre des risques différents ?
Intervenants :
– Jeudi 11 février : Erik Bordeleau, INRS Montréal : La crypto-économie et ses ennemis
– Jeudi 11 mars : Gregory Chatonsky, Eur-Artec : Réalisme de l’intelligence artificielle et esthétique de l’induction statistique
– Jeudi 25 mars : Liliana Doganova, École des Mines : Actualiser le futur, une technologie politique
– Jeudi 8 avril : Conrad Hamilton, Université Paris 8 : Calculation in the Time of Capital (en anglais)
– Jeudi 6 mai : Ekin Erkan, Columbia : What does GPT-3 teach us about phenomenal consciousness? (en anglais)
– Jeudi 20 mai : Anne-Sarah Huet, École supérieure d’art Annecy Alpes