Nostalgia market

Peut-être Jimmy le métis à l'époque des Del Vickings

Sans doute faudrait-il analyser ce qui aujourd’hui se passe dans l’entrecroisement entre l’art, le marché et Internet sous l’angle de la nostalgie. Car à y regarder de plus près ces images, ces sites et ces dispositifs, il y a quelque chose qui revisite ce qui a déjà eu lieu : les années 90 et le début du web grand public, le code et le gif art, le glitch, etc. Cette reprise, au-delà de l’homogénéité stylistique qui s’en dégage, est bien sûr une réappropriation que l’on pourrait fort bien comparer aux revivals musicaux tous les 20-25 ans, les Cats 50’s (bp, Del Vickings, etc.) dans les années 80 à Paris par exemple. Une répétition et une différence dans la répétition : la seconde fois n’aura jamais été identique à la première.

Cette nostalgie change le statut de ce qui fut auparavant considéré sous le vocable “art numérique”. Celui-ci résonnait comme une promesse d’avenir, avec tout ce que cela pouvait avoir de moderniste et de naïf, ce qui permettrait peut-être de comprendre une certaine défiance de l’art contemporain face à un discours de l’innovation qui constitue un véritable alibi d’utilité sociale. La nostalgie quant à elle est profondément ancrée dans l’art, plus précisément dans le récit de l’art depuis Giorgio Vasari qui apercevait dans les productions artistiques les traces des civilisations disparues et de savoirs enfouis. L’art c’est le passé, un passé perdu qui non seulement nous dit la décadence de nos valeurs mais qui indique aussi notre propre disparition à venir : art et vanité. La Renaissance est à comprendre en ce sens, elle fait renaître le savoir des Anciens (“rinascimento de la bella maniera”).

Au-delà de la nostalgie qui est sans doute l’affect fondateur de l’histoire de l’art, il y a en celle-ci quelque chose qui structure le marché. En effet, ce qui est nostalgique acquiert une consistance historique qui assure une matérialité. Si ce que je vois à déjà eu lieu, s’il s’agit d’une reprise, alors je peux être sûr que cette seconde fois sera la bonne : la seconde fois du trauma. Ceci explique le décalage temporel entre le marché et la production, que l’on retrouve dans le netart, comme à son époque, dans l’art vidéo. Sans doute l’impact du netart (notion à entendre de façon large et à distinguer du net.art) sera-t-il plus important que celui de l’art vidéo, parce qu’il héritera de l’impact social du réseau Internet qui intègre tous les médias jusqu’à nos existences les plus intimes (indifférenciation numérique).

Peut-être l’histoire de l’art et le marché de l’art se renforcent-ils l’un l’autre de cette secrète nostalgie.